Sumario: | Comment, quand l'État ne prend en charge ni l'assistance aux pauvres, ni la santé des malades, ni la construction des églises, ni, pendant longtemps, l'instruction primaire, faire fonctionner ces divers services ? C'est au don que l'on fait appel, comme pour bien d'autres institutions financées depuis par les impôts. Dès que les ambitions révolutionnaires de financement intégral par l'État des équipements publics sont abandonnées, le don reprend sa place, capitale pour les hôpitaux et les bureaux de bienfaisance, importante pour les institutions religieuses, les communes, l'université. L'État veut encadrer le don, l'orienter, mais attend le XXe siècle pour l'encourager nettement, tant il craint le développement des biens de mainmorte. Sous l'angle inusité mais révélateur de leur financement, le don permet de cerner l'attitude de l'administration envers les établissements d'assistance, les établissements religieux, les communes... Le rêve des bureaucrates est de diriger le don vers les besoins les plus urgents, mais ils doivent tenir compte de la liberté des donateurs et des testateurs. Car les dons ne sont pas seulement des réponses à des besoins collectifs, ce sont aussi des gestes individuels, révélant cependant de larges régularités. Le nombre de donateurs n'évolue que lentement (1 900 libéralités en 1820, 5 000 en 1875, 2 500 en 1930), et la carte des dons est marquée, sur un siècle et demi, d'inégalités tenaces et de mouvements lents. Les donateurs, en distribuant tout ou partie de leurs biens, veulent agir : soulager le malheur, instruire, moraliser. Mais 50 % d'entre eux veulent aussi, par les conditions imposées, lutter contre l'oubli, laisser une trace.
|