Sumario: | Superlatifs et clichés viennent spontanément sous la plume au sujet d'Alexandre Dumas. En perfusion réciproque avec l'histoire de la France, l'œuvre a rabattu la grande ligne du temps sur une surface de publication élargie aux proportions d'un continent dont la carte n'est pas encore complètement établie. Car il y reste au moins une terra incognita, propre à relancer la machine des superlatifs : la dévorante activité de journaliste et de directeur de journaux à laquelle s'est adonné l'écrivain. Qui sait aujourd'hui qu'il rédigea seul, entre 1848 et 1850, un mensuel où ses ferveurs politiques se mêlaient d'inquiétude face à la montée du césarisme ? Qu'il publia de 1853 à 1857 un quotidien, Le Mousquetaire, dans lequel il s'employa, en tisonnant les cendres du romantisme, à roder un journalisme de combat littéraire en temps de censure ? Qu'il fit paraître sous sa seule signature, de 1857 à 1862, Le Monte-Cristo, trouvant encore l'énergie, dans l'intervalle, de jeter sur le marbre, à Naples, un journal politique en italien, L'Indipendente, où le futur fondateur du Corriere délia sera fit ses premières armes ? Et qu'il devait encore lancer, au soir de sa carrière, un second Mousquetaire et un Dartagnan ? Parfaite illustration du journalisme tel que Dumas le concevait, Le Mousquetaire premier du nom témoigne de la solution de compromis offerte par la petite presse littéraire aux écrivains journalistes sous les années les plus autoritaires du Second Empire. Avec d'autres périodiques du même genre, mais non du même panache, ce journal d'écrivain est également très représentatif d'une période médiane dans l'évolution des deux champs entrecroisés dont il relève, situé qu'il est à mi-parcours sur la voie allant du lancement de La Presse par Émile de Girardin en 1836 à l'apparition du Petit Journal en 1863 et, d'autre part, entre le reflux du romantisme et le flux des esthétiques de la modernité. Sous ces différents aspects et pour mieux éclairer un moment assez obscur de l'histoire culturelle française, il est bien utile d'examiner de près cette feuille que Philibert Audebrand, l'un de ses rédacteurs, évoquait dans ses souvenirs comme le « plus invraisemblable des journaux français, passés, présents et futurs ».
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