Sumario: | Versailles ou la disgrâce d’Apollon entend briser l’image convenue mais fausse de palais du Soleil que Versailles n’a jamais été. Le mythe d’Apollon se déploie dans les jardins du premier Versailles, ses statues et ses fontaines, comme dans ses éblouissantes fêtes de nuit. Mais c’est le portrait du roi qui figure sous le mode de l’énigme dans les salons des Grands Appartements ; quant à la galerie des Glaces, il s’agit de l’héroïsation du prince, devenu maître de l’Europe. Cette imagerie jubilatoire produite pendant les vingt premières années du règne de Louis XIV demande aujourd’hui – comme elle demandait alors – décryptage. C’est un autre discours qui est tenu dans les trente-cinq années où Versailles est désormais résidence d’État. Le paradigme change alors. Le modèle italianisant et baroque du héros s’estompe au profit du modelé impérial antique (« classique ? »). La délicatesse de l’art le cède à l’expression de la puissance. Cela passe par le primat de l’architecture, une boulimie cumulative transformant les jardins en musée de la sculpture antique, la promotion des performances techniques où l’hydraulique somptuaire tient désormais la première place. La disgrâce d’Apollon ne se constate pas seulement dans les phases successives de l’histoire du lieu, mais dans son fonctionnement, c’est-à-dire dans l’usage qui en a été fait, les prescriptions édictées à destination des visiteurs, le ressenti dont ont témoigné les hôtes. L’écart entre les intentions et les usages du commanditaire et les modes d’appréhension du public doit être constaté et interrogé. La notion de propagande est-elle péremptoire ? Qu’en est-il des lectures successives, des modes d’emploi, d’une « consommation » de signes du roi produits dans un contexte donné par un public qui se renouvelle et dont les horizons d’attente se modifient au fil du temps ? Versailles ou la disgrâce d’Apollon analyse la globalité d’un processus créateur, mettant face à face un Versailles effectif, expression de la…
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