Sumario: | Dans l’histoire des idées économiques, la physiocratie occupe une place majeure, et sans doute à bien des égards disproportionnée. Il est vrai que la doctrine élaborée par Quesnay, Mirabeau et leurs disciples, dans la seconde moitié du xviiie siècle, se présentait comme une « science nouvelle » mettant au jour les lois profondes de l’économie politique. Par son usage des calculs, elle inaugurait la comptabilité nationale et l’inexorable mathématisation de l’économie. En mobilisant les notions d’intérêt individuel, de concurrence et de liberté du commerce, les physiocrates ont posé les bases d’un courant majeur du libéralisme économique en Europe. Ils se voyaient clairement comme une avant-garde de formidables créateurs, persuadés de détenir la vérité. Mais pour bien des contemporains, les excès de la « secte des Économistes », avec son langage hermétique et son message monologique, allaient à l’encontre de l’ouverture d’esprit caractéristique des Lumières, et la confiance aveugle dans les prétendues lois d’un « ordre naturel » apparaissait bien éloignée des réalités. Aussi faut-il rappeler que les supposées découvertes analytiques des physiocrates rencontrèrent souvent le scepticisme, sinon l’ironie féroce. Le mouvement physiocrate avait-il ouvert les voies de la richesse ? Nombre d’auteurs, longtemps sous-estimés par la tradition historiographique, ont élevé de puissantes objections. Ce sont ces voix discordantes que cet ouvrage fait entendre, restituant le pluralisme de l’économie politique du temps.
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