Sumario: | Né juste après la Révolution française pour désigner la science des idées, le mot « idéologie » s'est dévalué au cours du xxe siècle et il suscite aujourd'hui le débat à plusieurs titres, au premier chef lorsqu'il s'agit de le définir. Dans le domaine du livre de jeunesse, la conjonction entre idéologie, instruction publique et éducation s'inscrit au cœur des enjeux d'une littérature adressée et sous surveillance que l'auteur, l'éditeur, le médiateur ont toujours cherché à encadrer à des fins éducatives. C'est dans ce champ particulier que l'on se propose d'affronter la complexité d'une notion « labile et fourbe », d'après Bruno Blanckeman, pour en circonvenir les manifestations et les effets dans les entreprises romanesques de l'extrême contemporain. Faute de définition stable et univoque, sans doute convient-il ici d'embrasser la notion au pluriel et de concevoir les idéologies comme des « systèmes fixes de valeurs ordonnancées » qui trouvent un terrain de prédilection dans le roman, lui-même genre pluriel, « archi-genre » qui orchestre une polyphonie de discours et s'accommode de toutes les hybridités. En observant certains de ses sous-genres - roman-miroir, roman de fantasy, roman dystopique, roman post-colonial - les différents contributeurs sont conduits à se demander dans quelle mesure le roman contemporain pour la jeunesse met en œuvre une « poétique des valeurs » et s'il rend possible l'émergence de ces « fictions critiques » que Dominique Viart définit comme des textes où « le discours met en crise la pensée ». Les articles réunis ici interrogent dans les romans pour la jeunesse l'approche, souvent paradoxale, des grandes questions soulevées par les évolutions du monde contemporain. Au moment où l'actualité concernant l'école en France se cristallise à nouveau sur le sujet de l'enseignement de la morale, la réflexion s'attache notamment aux corpus romanesques prescrits par l'institution scolaire et à leur enseignement.
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