Sumario: | « Avoir des amis, c’est avoir du pouvoir », écrivait Hobbes en 1651. Le tissage des liens joue en effet un rôle clé dans l’évolution de la vie intellectuelle et culturelle. Mais en quels termes définir ce rôle ? Et sous quelles formes se manifeste-t-il ? Pour l’éclairer et le comprendre, les sciences de l’Antiquité en Europe, depuis les Lumières jusqu’à l’ère de l’internaute, nous offrent un observatoire privilégié. Les travaux sur la sociabilité savante et les outils de la sociologie des réseaux permettent d’explorer les stratégies de connectivité, individuelles et collectives, personnelles et institutionnelles. Il en ressort que le réseau tantôt capte, tantôt filtre ; ici il propulse, là il entrave ; il est à la fois source de prestige, d’aliénation ou de marginalisation. À travers lui, le mouvement, l’échange, le partage des connaissances – ou, à l’inverse, le repli et le protectionnisme – investissent le champ de la recherche scientifique. Appréhendés à travers les correspondances, les publications, les journaux ou les polémiques, les réseaux relatifs à l’Antiquité structurent la production des savoirs et la définition de champs disciplinaires, transmettent des héritages et des filiations, témoignent de ruptures et d’innovations. Les dossiers proposés mettent en avant des pratiques professionnelles, des stratégies éditoriales ou académiques, des entreprises scientifiques, des modalités de communication à l’œuvre dans les sciences de l’Antiquité. Ils font également émerger divers individus, protagonistes d’aventures intellectuelles réussies ou avortées. Entre idéalisation, émulation, appropriation et détournement, les réseaux d’hommes et d’institutions, toujours façonnés par les contextes qui les voient naître, fonctionner et dépérir, participent, tout en promouvant la connaissance du passé, à la construction d’un espace intellectuel européen. Ce sont les contours de celui-ci que dessinent les contributions de ce livre.
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