Sumario: | La musique ne cesse de s'inspirer du texte poétique, que ce soit dans la pratique traditionnelle du madrigal, du lied et de la mélodie ou dans les multiples entreprises de la musique contemporaine. En élaborant son œuvre, un compositeur s'inscrit dans les parages d'un poète, en accueille les mots ou l'univers scriptural pour les mettre en musique, opération supposant des décisions compositionnelles mais aussi une com-préhension du texte et/ou de la poétique de l'écrivain. Cette com-préhension, cette préhension de l'autre, ce saisissement d'un poème par une musique est déterminé par l'événement d'un choix. Mais ce choix, d'où s'autorise-t-il et que s'autorise-t-il vis-à-vis du poème ? À quelles conditions ce poème ne fonctionne-t-il pas comme un simple pré-texte, oublié/assimilé par une musique qui se l'approprie aussitôt, mais comme la trace comprise par une musique qui la com-pose en une œuvre nouvelle ? La question est particulièrement légitime – et urgente – dès lors que la musique s'approche de textes résistants, ayant leur propre rapport à la musique et se défiant a priori de toute récupération musicale, même s'ils semblent en autoriser le risque. La décision compositionnelle d'une telle incorporation – le choix d'un poème – relève ainsi d'une opération spécifique dont il convient d'analyser les conditions, les enjeux et les limites. Après une mise en perspective historique puis une réflexion d'ordre éthique, quatre poètes sont convoqués dont on analyse tant le rapport propre à la musique que les décisions de compositeurs les ayant mis en musique ; symétriquement est interrogé le choix d'un compositeur de quatre poètes écrivant dans une langue d'adoption. C'est finalement le dialogue entre les arts, à notre époque de reconfiguration profonde de leurs relations, qui se trouve interrogé à l'occasion d'une approche nouvelle et originale de la rencontre de la musique et de la poésie.
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