Sumario: | On disait, après la Révolution, que la douceur de vivre avait disparu. Non les fastes de l’Ancien Régime, ni l’extraordinaire élan intellectuel de ce siècle mais plutôt une manière d’être, dont la disparition rendait nostalgique. C’est d’un rapport privilégié au monde qu’il s’agissait, ou d’un regard particulier, difficile à imaginer aujourd’hui. C’était en quelque sorte faire remonter ce qu’il y a de divin en soi jusqu’à ce qu’il y a de divin dans l’univers. Cette remontée est proprement l’expérience de la grâce, qui suppose une beauté du monde et en prolongement une possible beauté de la personne dans son esprit et dans son corps, que les peintres ont tenté de représenter. Ce livre suit successivement des chemins qui conduisent à montrer en quoi consista concrètement cette douceur de vivre et comment s’est définie l’esthétique de la grâce, qui régna souverainement au XVIIIe siècle français. Il y eut en ce siècle des façons de penser le monde, de conduire son corps, de peindre les femmes, d’aménager les jardins et d’écrire des livres – toutes conduites derrière lesquelles se trouve la grâce – qui constituaient un état du bonheur. On le découvre dans l’art de peindre, puis dans des lieux, dans les conceptions du corps amoureux, dans l’art de toucher les clavecins et dans la lecture des romans. Puis cette grâce que le XVIIIe tenta de préserver s’éloigne lorsque le néoclassicisme devient à la fin du siècle une esthétique officielle et qu’on commence à penser la merveille dans un au-delà insaisissable.
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