Sumario: | Les larmes ne cessent de ruisseler dans les « Confessions » ; leur présence insistante , rythmant le parcours de saint Augustin, est le signe d'une poétique ancrée dans la rhétorique : né d'une vive émotion, le récit doit susciter une vive émotion. La propension aux pleurs témoigne de l'ardent tempérament d'Augustin : toujours inquiet, emporté par ses passions, il ne cesse de lutter contre elles, qui luttent entre elles, à la recherche de la paix intérieure.
Il évoque le « torrent de larmes », les « fleuves de pleurs » qui inondent son visage chaque fois qu'il ressent une forte émotion : il pleure de douleur en se remémorant ses péchés ou à l'occasion d'un deuil, mais il pleure aussi de bonheur lors des fêtes solennelles de l'Église, où « la joie provoque des larmes », ou lorsque la conversion met une âme sur le chemin du salut. Les larmes posent cependant une épineuse « question » au psychologue, quand il observe qu'elles peuvent charmer un cœur tourmenté : comment comprendre la singulière douceur qu'apporte l'amertume des pleurs ?
Lorsque le spectateur aime souffrir à la vue des scènes tragiques qui font couler ses larmes, lorsque « la douleur est en elle-même son plaisir », n'y a-t-il point là quelque jouissance perverse ? Assurément, mais s'il est de mauvaises larmes, il en est de bonnes : le souvenir de Monique, sa mère, s'accompagne toujours de l'évocation émue des pleurs maternels, dont chaque jour pour lui elle arrosait la terre sous le regard de Dieu ; Augustin est le fils de ces larmes qui l'ont enfanté deux fois, lui donnant d'abord le jour, puis la « vive Vie » dans la foi. Les « Confessions » offrent une poétique, une éthique et une psychologie des larmes. Augustin assure dans les « Soliloques » que « l'amour est impatient », et qu'il ne saurait mettre fin à ses larmes avant de posséder ce qu'il aime : c'est cet impatient amour qui anime son écriture ardente.
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