Sumario: | Dans de très nombreuses sociétés à État, la civilisation commence avec la maîtrise de la fermentation, étape décisive, mais toujours incertaine, qui lui permet de s'extraire de l'état de nature tout en préservant des liens privilégiés avec celle-ci. Élément vivant utilisé dans un but festif ou alimentaire, source d'énergie disponible en toutes saisons, le produit fermenté - qu'il s'agisse de boissons alcoolisées ou de pains - entretient un rapport symbolique, voire analogique avec le sang. On le retrouve ainsi dans de très nombreux sacrifices, rites funéraires ou fêtes de fertilité. Produit à l'élaboration toujours aléatoire, il symbolise tout à la fois l'importance de la technique humaine et le respect dû aux dieux. La boisson fer-mentée est un cadeau divin, elle est parfois la divinité elle-même, et l'homme civilisé l'ingère selon certaines règles pour se nourrir, communier avec son dieu, et se réjouir avec ses semblables. Les détenteurs du pouvoir terrestre se sont toujours efforcés de la contrôler pour se légitimer mais aussi pour en maîtriser les abus, dommageables pour l'ensemble de la collectivité. C'est lorsque la boisson se désacralise qu'elle se désocialise et remet en jeu l'avenir du peuple. En collaborant à l'étude de ce Ferment divin, anthropologues et historiens nous font suivre de manière originale et passionnante le parcours de notre culture, depuis son origine indo-européenne - avec le soma et son substitut - jusqu'à la rencontre avec le Nouveau Monde où seront mis en évidence les effets destructurants de nos boissons distillées venues prendre la place des liqueurs fermentées traditionnelles.
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