Sumario: | L’inceste marque de sa monstruosité les consciences collectives. Cantonné dans la sphère du tabou et de l’infamie, nul ne peut le discuter, nul ne peut le pratiquer. Le phénomène existe pourtant sous différentes formes selon les sociétés dans lesquelles il est rencontré et pensé. En France, au xixe siècle, l’inceste a une histoire. Lorsqu’en 1791 les Constituants décident de le décriminaliser, la société française voit s’ouvrir un siècle de débats qui conduit à une requalification profonde du phénomène et de son imaginaire. L’étude croisée des discours entretenus par les élites souligne les étapes qui ont présidé à la construction de l’inceste criminel. À la fin du siècle, il n’est plus l’apanage des aristocrates décriés par les Lumières mais bien celui d’hommes pauvres, devenus les symboles d’une nouvelle dangerosité. La justice, par l’entrelacement de ses échelles et de ses acteurs, contribue également à fabriquer et à imposer progressivement ce masque sur le phénomène incestueux. Mais l’inceste n’est pas qu’un crime au xixe siècle. En tentant de pénétrer au cœur même des familles, cet ouvrage montre qu’il peut également être une sexualité consentie qui se pratique dans la clandestinité de certains foyers français. Réalité multiforme, interdit plus que tabou, l’inceste mérite en ce sens d’être replacé dans une histoire plus courte que l’intemporalité des anthropologues.
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