Sumario: | En 1783, les premiers ballons s’envolent dans le ciel d’Annonay, puis de Paris. L’invention des frères Montgolfier stupéfait l’Europe entière. Ces machines d’étoffe remplies d’air chaud ou d’hydrogène soulèvent un immense enthousiasme. Le vol humain devient une réalité accomplissant l’idéal prométhéen de maîtrise de l’homme sur la matière. Au-delà de l’histoire bien connue de l’invention, l’ambition de cet ouvrage est de considérer les premières expériences aérostatiques comme un objet à part entière de l’histoire culturelle des Lumières, en cherchant à qualifier les réceptions différenciées de l’innovation et les pratiques sociales qu’elle engendre, au plus près de l’évènement. Échappant un temps aux inventeurs, à l’Académie des sciences et au gouvernement, l’aérostation devient en France une invention partagée par de nombreux amateurs qui construisent un espace public de la technique dont l’expression culmine lors des envols. L’analyse de l’organisation financière et matérielle des entreprises de vol menées dans différentes villes de province en 1784, révèle le modèle utopique d’une économie symbolique mettant en scène le consensus des élites éclairées et du peuple autour du ballon, devenu emblème du progrès. L’expérience qui démontre en place publique les effets des fluides aériens, alors à la pointe d’une chimie en « révolution », se transforme en une véritable fête des Lumières. Mais en interpellant les sens autant que la raison, la radicalité bouleversante de l’envol en fragilise également l’euphorie. Par cette étude, c’est à la fois une cartographie des savoirs et des pratiques, une lecture des milieux urbains et des publics de la France des années 1780 qui s’esquisse.
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