Sumario: | Si tout avait fonctionné comme le prescrivaient les statuts, l'histoire de la Toison d'Or aurait pu ou pourrait être écrite grâce à une documentation exemplaire, à la fois abondante, variée et continue. Malheureusement pour l'historien, tel fut loin d'être le cas. Aussi, pour mener à bien, rigoureusement, son enquête si concrète sur les aspects matériels, tangibles, des fêtes de la Toison d'Or, Françoise de Gruben a-t-elle dû recourir à des sources hétéroclites et dispersées: actes capitulaires, récits plus ou moins fiables et circonstanciés des chroniqueurs, exemplaires survivants des statuts, quelques objets d'art (tapisseries, panneaux peints, joyaux, etc.), témoignage de l'évêque Jean Germain, premier chancelier de l'ordre, et surtout mentions éparses, souvent répétitives et elliptiques, contenues dans les comptes de la recette générale de Bourgogne. A lire les pages si précises sur le décorum qui entourait les "solennités", "honneurs" et "mystères" de la Toison d'Or, on comprend mieux à quelles exigences symboliques il répondait: susciter l'admiration mais aussi le respect auprès des spectateurs comme auprès des acteurs. Mais on comprend aussi qu'un travail politique prenait place au sein ou en marge des divertissements profanes et des cérémonies sacrées: les miniaturistes, lorsqu'ils veulent illustrer l'Ordre, ne représentent ni la messe, ni le banquet, ni la procession, mais bien le chapitre, lequel, comme on sait, pouvait durer plusieurs jours. La Toison d'Or faisait partie de l'organisation - faut-il dire: de la constitution? - de l'état bourguignon. Elle en était un rouage privilégié, comme le montre le soin jaloux avex lequel s'opéraient le recrutement des chevaliers mais aussi le déroulement rituel du cérémonial. Peut-être le témoignage le plus suggestif sur la signification des fêtes de la Toison d'Or est-il fourni par Prospero de Camulis dans sa lettre du 9 mai 1461 où cet ambassadeur milanais auprès de la cour de Bourgogne évoque à l'intention de son maître, le duc Francesco Sforza, le chapitre de Saint-Omer. Au cours de son déroulement, écrit-il, Philippe le Bon "fece demostratione de tre cose: Religione, Sublimità, Apparati". De ces trois termes si forts, si denses, la belle étude deFrançoise de Gruben offre le savant et séduisant commentaire. Philippe Contamine Membre de l'Institut de France.
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