Sumario: | Sommes-nous libres et moralement responsables ? L’idée de liberté ne suppose-t-elle pas de postuler dans la trame des événements du monde une forme d’indéterminisme ? Un tel indéterminisme est-il compatible avec les données des sciences contemporaines ? Est-il seulement intelligible ? Le grand débat sur le libre arbitre est presque aussi vieux que la philosophie. Un tel héritage bimillénaire invite bien entendu à s’instruire des thèses et des arguments du passé. Mais cet héritage ne doit pas pour autant nous dissuader de reprendre la controverse pour elle-même, à nouveaux frais et en fonction des connaissances contemporaines. Le présent volume s’inscrit dans cette volonté d’aborder la question du libre arbitre dans une perspective contemporaine. Cette approche contemporaine de la question, qui était encore celle de Sartre naguère, a été moins représentée dans le paysage français ces quarante dernières années, alors qu’elle connaissait dans d’autres pays des développements considérables. Dans les pays anglo-saxons en particulier, alors que le débat sur le libre arbitre semblait avoir été définitivement clos depuis Hobbes et Hume par un large consensus « compatibiliste », les années 1970-1980 ont vu réapparaître une controverse extrêmement animée où l’on a pu retrouver à peu près toute la variété de positions qui avait existé aux autres époques de l’histoire de la philosophie. La discussion contemporaine sur le libre arbitre, dont certains des participants les plus éminents sont également contributeurs de ce volume, n’offre donc pas l’homogénéité ou le consensus d’une « époque », mais se présente au contraire comme une mosaïque de positions qui tirent souvent leur valeur dialectique et leur raffinement argumentatif de leur confrontation aux autres positions actuellement défendues. Pour y voir plus clair dans cette variété de positions, il est commode de recourir à l’opposition traditionnelle entre « conceptions compatibilistes » du libre arbitre et « conceptions incompatibilistes ». Les conceptions compatibilistes soutiennent que le libre arbitre est en réalité compatible avec le déterminisme causal, de telle sorte qu’il n’y a nullement à s’inquiéter d’une éventuelle preuve du déterminisme par la science. Les conceptions incompatibilistes au contraire (qui font l’objet d’un retour en force depuis une quarantaine d’années) défendent par divers arguments l’intuition selon laquelle le déterminisme nous priverait du libre arbitre.
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